Comédien de formation, Martin Faucher œuvre depuis 1982 à titre de comédien et de metteur en scène. Reconnu pour ses mises en scène sensibles et inventives de textes contemporains et classiques, il compte plus d’une cinquantaine de réalisations à son actif. Il a apporté sa contribution à la vie culturelle québécoise en tant que président du conseil d’administration de la compagnie Daniel Léveillé Danse de 1994 à 2014 ainsi que du Conseil québécois du théâtre de 2005 à 2009. Après avoir été conseiller artistique au Festival TransAmériques de 2006 à 2014, il en fut le directeur artistique et codirecteur général de 2014 à 2021. Entre bilan personnel, mise en perspective artistique et considérations sur la place de la création contemporaine dans la métropole, Martin Faucher se prête à un échange dans la foulée de son choix de passer le témoin.
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Gilbert David : Pour commencer, quels sont les motifs qui vous ont amené à penser que le temps était venu de céder votre poste de directeur artistique (et codirecteur général) du Festival TransAmériques (FTA) en 2020 ?
Martin Faucher : Après 15 ans passés au FTA, huit ans aux côtés de sa cofondatrice Marie-Hélène Falcon à titre de conseiller artistique, puis sept ans à sa direction, j’ai senti que j’avais complété avec plénitude un cycle de ma vie professionnelle. Je tiens à préciser que cette décision fut prise en décembre 2019, soit quelque temps avant cette pandémie qui a tout bouleversé. Fort de tous les spectacles de danse et de théâtre que j’ai vus, plus d’un millier un peu partout sur la planète et au pays, l’envie profonde d’un retour en salle de répétition s’est manifestée.
GD : Au cours de votre mandat, y a-t-il eu des modulations ou des inflexions que vous avez apportées à la programmation de votre évènement annuel ?
MF : Lorsque David Lavoie (avec qui j’ai travaillé en étroite et heureuse collaboration à la codirection générale) et moi avons entrepris notre mandat, nous héritions d’un évènement en excellente santé artistique. Il y avait toutefois une importante réflexion à mener quant à l’élargissement du public du festival, à son rayonnement, ainsi qu’aux conditions techniques et financières offertes aux équipes artistiques invitées à y participer. Avec le souci de maintenir une effervescence tout au long du festival, nous avons tout d’abord ramené sa durée à 16 jours plutôt que 19 et nous avons établi notre capacité de programmation à plus ou moins 25 spectacles nationaux et internationaux par édition. Ces décisions nous ont permis de canaliser nos énergies afin de mieux concrétiser les actions du festival et communiquer ses différents volets, programmation et activités de médiation, avec une plus grande force auprès des publics montréalais, québécois, canadiens et mondiaux. Tout en demeurant fidèle au mandat artistique du festival, nous avons ainsi augmenté son offre de fréquentation, passant de 15 000 sièges en 2007 à presque 24 000 en 2020 (édition qui fut malheureusement annulée en raison de la pandémie). Ma dernière édition en 2021 fut présentée dans des conditions sanitaires très contraignantes et n’a pu être fréquentée que par très peu de spectateurs et par aucun diffuseur venu de l’étranger.
L’amélioration des conditions économiques, techniques et artistiques de création a été au cœur de nos actions dès le début de mon mandat. Les sommes allouées à la coproduction pour les créations nationales ont augmenté de manière significative et nous avons offert des résidences de création à toutes les équipes artistiques programmées. Nous avons aussi renoué avec la coproduction internationale à raison d’un spectacle par édition. Il y avait déjà au FTA plusieurs activités de médiation entourant la programmation : rencontres des artistes avec le public après les représentations et à notre Quartier général, séjours culturels par de jeunes artistes professionnels et par des étudiants des écoles secondaires, journées de réflexions thématiques, cycle de films à la Cinémathèque québécoise, etc. Ces activités étaient dites parallèles. Ce vocable ne me satisfaisait pas. C’est ainsi que j’ai regroupé ces activités sous le nom des Terrains de jeu. Ceci nous a permis de dialoguer de manière encore plus riche avec les spectateurs du festival, ainsi qu’avec les artistes professionnels et travailleurs culturels qui le fréquentent dans un désir d’émulation. Après trois éditions, Les Terrains de jeu sont devenus pour les festivaliers une réalité bien tangible et abondamment fréquentés. Dans le cadre des Terrains de jeu, je suis particulièrement fier de la mise sur pied des Cliniques dramaturgiques. Cette activité inédite destinée aux artistes et praticiens professionnels fut confiée à ma conseillère artistique de l’époque et maintenant nouvelle codirectrice artistique, Jessie Mill. Les Cliniques ont stimulé notre communauté artistique en offrant des outils pratiques et théoriques pour mieux aborder la création contemporaine. Ce concept innovateur a inspiré plusieurs collègues travaillant à l’étranger et, depuis, des éditions des Cliniques dramaturgiques se sont tenues dans divers festivals ou évènements internationaux, notamment à Valenciennes, Rome et Gand. Lors de mes deux dernières éditions, devant l’impossibilité d’accueillir des spectacles internationaux en raison de la pandémie, de fortes sommes d’argent ont été soudainement rendues disponibles. Pour soutenir nos milieux de la danse et du théâtre durement éprouvés, nous avons réaffecté ces fonds dans une nouveau volet appelé Les respirations du FTA. Sans promesse de programmation, Les respirations sont des apports financiers à des artistes qui en sont à des étapes préliminaires de recherche et d’exploration. Ces Respirations nous ont permis d’amorcer de manière très libre un dialogue avec des artistes issus de générations plus jeunes ou appartenant à des communautés marginalisées. Les respirations du FTA sont un riche terreau qui permettra d’assurer des programmations nationales encore plus innovantes et diversifiées.
GD : Forcément, vous avez eu à faire des choix parmi une offre mondiale très abondante en arts vivants : quels ont été vos critères de prédilection, compte tenu des inévitables contraintes financières ou autres ?
MF : Une programmation s’établit lentement, petit à petit, rencontre après rencontre, voyage après voyage, spectacle après spectacle. Le FTA arrive à la fin des saisons montréalaises de danse et de théâtre. Je me disais toujours lorsque le moment des choix était venu : est-ce que ce spectacle vient ajouter quelque chose aux programmations montréalaises existantes ? Est-ce que cette proposition esthétique vient bousculer nos idées reçues sur la danse et le théâtre ? Est-ce que cet artiste est une voix inspirante non encore entendue sur nos scènes ? Est-ce que ce spectacle provoque un choc, fait écho, engage un dialogue avec le public et les artistes d’ici ? Le nombre de spectacles et d’artistes exceptionnels qui vibrent sur la planète est vraiment très élevé. Cette offre abondante m’a parfois donné le vertige. Après avoir scruté avec attention les programmations des festivals et lieux de création mondiaux d’importance, je partais à la découverte de spectacles et d’artistes sans thématiques précises en tête. Tout ce que je recherchais était la secousse qu’un spectacle ou la parole d’un artiste devait provoquer en moi. Ce choc pouvait être d’ordre intellectuel, émotif, esthétique, ou un mélange de tout ça, peu importe, mais quelque chose de fort devait perdurer longtemps après avoir vu un spectacle. La majorité des spectacles que j’ai programmés se sont imposés d’eux-mêmes. Il me restait à trouver ce qui les reliait les uns aux autres, à tracer une courbe dramaturgique qui traverserait l’édition à venir. Je voulais que chaque édition forme un paysage imaginaire qui avait l’ambition de représenter de manière impressionniste l’état du monde actuel. La recherche de l’audace, de l’innovation et de l’inédit guidait bien entendu mes choix de spectacles, mais le pur plaisir du théâtre et de la danse me tenait aussi à cœur.
GD : Pouvez-vous identifier des propositions scéniques et dramaturgiques dans vos programmations successives qui vous semblent avoir été particulièrement représentatives des courants majeurs de la scène contemporaine à l’échelle internationale ?
MF : Le théâtre documentaire a bien évidemment occupé une place importante dans les nouvelles propositions scéniques des deux dernières décennies. Cette forme théâtrale s’est toutefois souvent mêlée à l’autofiction. La forme théâtrale dite documentaire devenait alors un point de départ où le créateur du spectacle se transformait en protagoniste principal de la trame narrative. Il y a tout un monde entre le 100 % Montréal du collectif allemand Rimini Protokoll, qui avait la volonté de représenter objectivement sur scène la démographie montréalaise par 100 montréalais.e.s., et Granma. Trombones de La Havane de Stefan Kaegi (un des membres de Rimini Protokoll) où quatre petits-enfants de révolutionnaires cubains nous racontaient cette révolution faite par leurs aïeux, tout en livrant leurs points de vue bien personnels sur leur pays. Siri de Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais confrontait l’application vocale de Apple à la quête des origines parentales de Laurence Dauphinais. Alep, portrait d’une absence de Omar Abusaada, Mohammad Al Attar et Bissane Al Charif, trois artistes syriens, ont collecté des récits authentiques de quartiers d’Alep détruits et les ont transmis à des acteurs et actrices montréalais qui les livraient en toute intimité à un spectateur à la fois. Ces bribes de réalités recomposaient avec force un portrait partiel mais authentique d’Alep. La création des trois premiers volets de J’aime Hydro de Christine Beaulieu alliait avec brio théâtre documentaire et autofiction. Théâtre politique, social et féministe, cette création improbable est devenue à mon grand bonheur et étonnement l’un des plus grands succès du théâtre québécois des dix dernières années. Enfin, Dancing Grandmothers de la chorégraphe sud-coréenne Eun-me Ahn brossait des portraits vidéo sensibles des femmes qui ont rebâti la Corée du Sud d’après-guerre, puis faisait danser sur scène ces grands-mères dans toutes leur splendeur et spontanéité enfin libérées de leurs obligations et lourdes responsabilités. Ces spectacles, ainsi que plusieurs autres, n’appartiennent pas tous à la tradition pure et dure du théâtre documentaire mais s’appuient sur des faits réels et de larges pans de la réalité immédiate de ces créateurs et créatrices.
Les questionnements identitaires et de genres ont aussi été un puissant moteur de plusieurs spectacles. Les Savasun de l’artiste trans d’origine iranienne Sorour Darabi, And so you feel de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin et 2Fik court la chasse-galerie de l’artiste pluridisciplinaire montréalais d’origine marocaine 2Fik plaçaient au centre de la scène des corps aux identités fluides, multiples, en transformation. Ces corps nous questionnaient finement sur les standards et normes que nous appliquons socialement afin d’être collectivement rassurés. Une ouverture à l’autre et à la différence était ainsi amorcée. Les réalités, enjeux et valeurs des Premiers Peuples se doivent d’être partie intégrante de notre société. Dès la première édition du Festival de théâtre des Amériques, ces voix étaient conviées à nous rappeler l’importance de leur contribution à notre société. C’est ainsi que, moi aussi, j’ai convié ces voix. This Time Will Be Different de Lara Kramer et Émilie Monnet était une cérémonie intergénérationnelle pour célébrer la beauté du monde et la survivance. Ce spectacle aux allures de brûlot politique était un coup de gueule contre le gouvernement canadien qui perpétue le statu quo envers les peuples autochtones, une réponse aux promesses sans cesse rompues. La lecture par Natasha Kanapé Fontaine en langue innu amun du texte fondateur Je suis une maudite sauvagesse de An Antane Kapesh au Théâtre Jean-Duceppe, anciennement appelé Port-Royal pour commémorer le premier habitat colonisateur en Nouvelle-France, fut un évènement historique chargé d’une très forte émotion. Windigo et Them Voices, deux spectacles de Lara Kramer, offraient quant à eux des visions plus poétiques, oniriques et spirituelles de l’imaginaire des Premiers Peuples. Je pourrais prendre un plaisir infini à nommer les quelque 200 spectacles et évènements que j’ai programmés tout au long de ces sept années, à les faire dialoguer les uns avec les autres. Chacune de ces sept programmations aura été un travail de création, une écriture/collage toute personnelle faite à partir des rêves et obsessions des créateurs et créatrices invitées. La somme des spectacles présentés a formé une grande œuvre maintenant évaporée. Être directeur artistique est ultimement être soumis à l’éphémère. C’est beau.
GD : Plus largement, comment situez-vous la place qu’occupe le FTA sur la scène internationale et à l’échelle canadienne ? Quels sont les créateurs du Québec ou d’ailleurs au Canada qui ont été mis de l’avant et pourquoi ?
MF : Sans bénéficier des budgets considérables dont disposent le Festival d’Avignon, le Kunstenfestivaldesarts de Bruxelles ou le Festwochen de Vienne, le FTA jouit d’une très forte réputation au sein du vaste réseau des évènements internationaux des arts de la scène contemporains. Les professionnels du spectacle qui nous fréquentent et les équipes artistiques que nous invitons sont admiratifs devant la rigueur et la chaleur de notre organisation ainsi que par l’enthousiasme de notre public, public qui est très diversifié tant par son âge que par son profil économique et professionnel. Rien ne me faisait plus plaisir que de voir assis côte à côte un étudiant de 15 ans qui en était peut-être à sa première visite au FTA et une spectatrice de 80 ans qui en a vu du tout nu dans le Montréal effervescent des années 70 et 80. Pour l’un et pour l’autre, le besoin d’émerveillement était absolu. J’ai souvent affirmé, avec arrogance peut-être, que le FTA est le plus important festival de création contemporaine en théâtre et en danse en Amérique du Nord… mais c’est vrai ! Il n’y a aucun autre évènement à Toronto, Vancouver, New York, Chicago ou Los Angeles ayant un mandat s’apparentant au nôtre qui produise un impact aussi grand que le FTA auprès des programmateurs internationaux, tout en connaissant un réel succès public.
Programmer des projets d’artistes québécois en qui je décelais une énergie qui risquait de provoquer un mouvement artistique, social ou politique stimulant aura été ma façon de contribuer à l’enrichissement de ma société, à son élévation. J’ai donc poursuivi le dialogue avec des d’artistes qui avaient déjà une histoire avec le festival. Il était naturel de présenter les créations de Marie Brassard, Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, Louise Lecavalier, Mélanie Demers, Catherine Gaudet, Benoît Lachambre, Frédérick Gravel, Dana Michel, Nadia Ross, Christian Lapointe, Paul-André Fortier ou Daniel Léveillé. Ces artistes matures sont porteurs d’une pensée artistique toujours innovatrice et inspirante. Que dénoncer dans ce monde en déroute ? Que célébrer ? Qui vient éclairer ce monde sous un angle différent, avec des nuances de couleurs inédites ? L’un des grands plaisirs que j’ai eus aura été d’être à l’affut de voix nouvelles ou méconnues, de contribuer à leur essor et leur épanouissement. C’est ainsi que les créations de Clara Furey, Étienne Lepage, Christine Beaulieu, Évelyne de la Chenelière Manuel Roque, 2Fik, Maxime Carbonneau et Laurence Dauphinais, Gerard Reyes, Katie Ward, Lara Kramer et Émilie Monnet nous ont enrichi de leurs intuitions, inspirations et visions du monde actuel.
GD : Au moment d’ouvrir le concours pour sélectionner une nouvelle direction artistique, quels sont les principaux critères qui ont guidé le comité chargé de ce recrutement ?
MF : Dès 2006, j’ai travaillé auprès de Marie-Hélène Falcon à la transformation du Festival de théâtre des Amériques qu’elle avait fondé en 1985 avec Jacques Vézina en Festival TransAmériques. Mon mandat de directeur artistique s’est donc fait dans un esprit de continuité. En quittant le FTA, je savais que pour être en phase avec notre monde qui est en profonde transformation la nouvelle direction devait trancher avec ce que Marie-Hélène avait initié et que j’ai poursuivi. Je n’ai donc pas souhaité être partie prenante du processus de recrutement afin que le comité puisse recevoir en toute liberté des projets qui seraient peut-être en rupture totale avec ma ligne artistique. Toutefois, pour s’assurer de candidatures de générations plus jeunes, j’étais persuadé qu’il fallait modifier l’organigramme du festival et délester le poste de codirection générale de celui de direction artistique. Des candidatures jeunes possédant un fort profil artistique auraient peut-être été moins qualifiées pour répondre aux critères d’une direction générale. Après de nombreuses discussions, il a été résolu par le conseil d’administration que le poste affiché n’en serait un que de direction artistique. Il n’est pas exclu que, dans un avenir rapproché, la nouvelle direction artistique soit à nouveau appelée à se joindre à la direction générale. Pour ce qui est des critères qui ont guidé le comité de recrutement, il faudrait demander au président du conseil d’administration. Quant on quitte un organisme comme le FTA, il faut savoir s’effacer et laisser toute la place à la nouveauté.
GD : En ce sens, avez-vous des inquiétudes quant à l’avenir du FTA en termes de financement public et concernant le transport aérien ou les rebuffades du ministère fédéral Immigration et citoyenneté pour l’obtention de visas par des artistes étrangers ?
MF : David Lavoie et moi avons entretenu de très bons rapports avec nos partenaires publics. Les évaluations des jurys de pairs provenant des conseils des arts ont toutes été excellentes. Même si rien n’est jamais acquis, je suis confiant que le festival puisse continuer de bénéficier d’un soutien financier adéquat de la part d’Ottawa, de Québec et la de Ville de Montréal. Je dis adéquat, mais le FTA est une machine rodée d’une grande puissance. Il a beaucoup, beaucoup, beaucoup à offrir. Avec un appui récurrent supplémentaire significatif de la part des instances publiques, le festival pourrait accomplir des choses encore plus étonnantes et porteuses de gestes structurants pour notre milieu de la danse et du théâtre : je pense surtout au Conseil des arts du Canada et au Conseil des arts de Montréal qui ont été beaucoup trop timides dans leurs augmentations à notre fonctionnement, et ce malgré le rehaussement historique de leurs propres budgets. Un autre aspect de notre fonctionnement m’a préoccupé : les nombreux voyages de repérage effectués à l’étranger, essentiels à la programmation, ainsi que les déplacements des équipes artistiques internationales et des programmateurs et journalistes invités causent un tort évident à l’environnement. Nous avons mis en place une politique écoresponsable il y a quatre ans déjà afin de limiter les dégâts, mais la crise climatique ne fera que s’accentuer dans les prochaines années. Le mandat artistique du FTA est d’assurer une présence forte d’artistes et de spectacles étrangers à chaque édition. Il faut que cela se fasse dans le respect de l’environnement. C’est un réel défi. Par ailleurs, le Canada a eu ces dernières années un comportement lamentable quand est venu le moment de traiter avec diligence et respect la livraison de visas de séjour pour des artistes non blancs, surtout ceux en provenance d’Afrique ou du Moyen-Orient. Nous avons été témoins d’histoires d’horreur où des artistes ont été traités de manière franchement irrespectueuse. Les méandres kafkaïens d’Immigration et citoyenneté Canada rendent pour le FTA l’invitation de spectacles non européens hautement risquée. J’espère que cette situation sera corrigée au plus tôt.
GD : En terminant, avez-vous des projets en réserve pour la suite de votre carrière ?
MF : La vie au FTA était folle, euphorisante mais épuisante. Je pouvais aller en Europe plus de dix fois par année, en plus de passer des fins de semaine à New York ou à Toronto. J’en suis venu à perdre certains repères. Je vis aujourd’hui à un rythme bien différent. Chez moi, je lis du théâtre, des romans, des biographies, des essais. J’écoute des disques achetés mais jamais écoutés ou bien trop distraitement. J’ai recommencé à aller au cinéma et, chose nouvelle, je vais au concert. Je revis pleinement un quotidien montréalais d’artiste à la pige. Je replonge dans un milieu théâtral québécois, alors qu’il est fortement perturbé par la pandémie. Dans un contexte mondial tumultueux, je ne sais trop pour l’instant ni quoi dire, ni comment. Je suis heureux de partager mon expérience et mes convictions artistiques avec les étudiants de l’École nationale de théâtre du Canada et de l’Option-théâtre du Cégep de Saint-Hyacinthe, où je fais des mises en scène. Le FTA m’a beaucoup apporté et j’ai beaucoup à redonner. J’ai hâte de renouer avec la scène professionnelle. Je reste à l’affût d’une pulsion créatrice qui se doit d’être essentielle, urgente. Je suis patient.
crédits photos : Maude Chauvin