Depuis maintenant trois décennies, le peintre Pierre Dorion, qui se fait occasionnellement professeur, commissaire et essayiste, décline et explore avec acuité et sensibilité les avenues du langage pictural. Attentif à sa tradition, à ses genres, à ses manières, il s’engage avec raison et plaisir dans une démarche artistique qui constitue aujourd’hui un remarquable corpus où il affirme les nouveaux possibles d’un médium endeuillé de ses morts annoncées. Son art savant avance dans l’épaisseur de l’histoire des images peintes, de la photographie et de l’architecture. Tel un archiviste des compétences des maîtres anciens et contemporains, des écrits théoriques, il déplace son attention, réinvente les espaces, redéfinit ses gestes avec une exemplaire continuité. Au fil de la vie, des lectures, des expériences, des voyages, il crée de nouveaux moments de peinture, des séries différentes où il redéploie motifs, couleurs, figures, compositions, lignes, ombres et lumières. Au fil du temps, les références disparaissent, la narration se disloque, la mémoire sélectionne, le regard cadre de plus en plus serré, les détails prennent toute la place, les apparences se dissolvent et l’intériorité fait surface.
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Au début des années quatre-vingt, Pierre Dorion termine sa formation académique au moment où le discours sur la spécificité du médium et l’auto-référentialité cède sous les assauts critiques répétés des nouvelles générations d’artistes. Éclectisme, références culturelles multiples, interdisciplinarité occupent désormais le devant de la scène. Comme le précise Élisabeth Couturier, « [l]’exclusion n’est plus de mise. Et d’ailleurs, la peinture fait un come-back triomphant. L’époque où les tenants de l’abstraction et ceux de la figuration se tournaient le dos est bien révolue. L’heure est au remixage inventif, à la réinterprétation iconoclaste, au jonglage créatif » (L’art contemporain mode d’emploi, Paris, Éditions Filipacchi, 2004). Historiquement, c’est également le moment où les questionnements sur le site et le non-site, l’art objectal, favorisent l’émergence de l’art d’installation qui fait cohabiter les relations architecturales et spatiales d’un lieu particulier pour un temps limité (voir à ce sujet Johnstone, Lesley, « Installation : l’invention du contexte », dans Aurora Borealis, René Blouin et Normand Thériault, commissaires, textes de R. Blouin, L. Johnstone et N. Thériault, Montréal, Centre international d’art contemporain, 1985).
Dans ce contexte et parce que l’artiste est familier avec le répertoire iconographique de l’histoire de l’art, acquis lors de ses études en arts visuels mais aussi en majeure partie à cause de son intérêt personnel, il apparaît peu surprenant de constater que, dès sa première exposition à l’automne 1983, le jeune artiste s’adonne à la peinture de citations avec enthousiasme. Plus inusité cependant est l’endroit où lui et son complice, Claude Simard, choisissent d’exposer durant trois semaines : un logement loué sur la rue Clark (voir l’excellente biographie publiée par le Musée d’art contemporain à l’occasion de l’exposition Pierre Dorion à l’automne 2012 ; http://media.macm.org/chrono/pierre-dorion/).