Jocelyn Robert

Retour au numéro: Imaginaires du numérique

Le maître mot pour décrire les oeuvres audio et vidéo de Jocelyn Robert est la «justesse». L’« événement sonore » qui accompagne ses projections vidéographiques n’a rien de fortuit . Au contraire même, ce qu’il donne à entendre contribue tout autant à construire l’œuvre en devenir que ce qu’il donne à voir. L’un et l’autre se complètent ou entretiennent des relations conflictuelles, mais dans tous les cas ils restent parfaitement imbriqués. Ce sont ces jeux de tension extrême entre le visuel et le sonore que développe et structure comme pas un Jocelyn Robert. Voilà pour la forme. Mais qu’en est-il du sens de ces installations, quelles émotions suscitent-elles. Laissons parler l’artiste à propos de ses installations récentes à l'espace OBORO : « Dans ces travaux, je cherche à saisir ces mots perdus au fond de la mémoire, ce souvenir fugitif qui tente de refaire surface, cet alignement soudain des obstacles au regard : mon intérêt est dans la banalytique, dans la trajectoire quotidienne de l’humain commun. Je cherche le moment où les choses s’arrêtent ».

En quoi ces installations audio-vidéo se distinguent-elles des autres installations qui sont devenues légions dans les expositions d'art contemporain? Qu'est-ce qui fait leur singularité ? En psychanalyse, on différencie habituellement l’acte de langage de l’acte de parole. L’acte de parole est défini par la matérialité de l’événement (phonétique, syntaxique, sémiotique) alors que l’acte de langage se rapporte davantage à l’intentionnalité du locuteur. (Widlocher, 1986) En accordant une place prédominante à la matérialité même de l’acte de parole et en modulant avec brio les tessitures de cet acte, Jocelyn Robert adosse aux images visuelles une véritable contrepartie; le sonore est pris comme un événement en soi.

 

J-C Rochefort, « Images en fuite et mots tus » (extraits) Le Devoir,2002