FERNAND LEDUC : FAIRE L'EXPÉRIENCE DU MOUVEMENT

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Nous avions ensemble plus de cent soixante ans.Hier encore, Fernand et moi changions en bonne humeur toute morosité, conversant amicalement et regardant des œuvres d’art, ses nouveaux pastels rapportés du Mexique.

Une génération nous sépare et nous lie.

« La lumière, la lumière ! » Fernand irradie, sa parole illumine. Il partage son bonheur couleur-lumière, ses associations sont vivifiantes. De sa fenêtre, dès qu’il peut, il saisit la lumière, la note, et travaille sans relâche à la recréer. La lumière attise son courage ; Leduc l’attire par couches superposées, guidé par l’instinct sûr d’une technique précise.

Très jeune j’ai acquis un Leduc : mon préféré coûtait trois cents dollars que je n’avais pas. « Tant pis, je m’arrangerai ! » Le galeriste veut me présenter l’artiste. « Non, non non, ce n’est pas nécessaire, c’est le tableau qui m’intéresse ! »Depuis, nous échangions cordialement à ma galerie où curieux de tout il aimait venir, convivial comme chez lui à Paris et à Montréal.

Nous proposons des Leduc à la galerie comme si nous le représentions : écho du coup de cœur qui résonne depuis tant d’années.

Fernand Leduc aurait 98 ans cette année. Étonnaient la fraîcheur de son regard, sa curiosité vive et, chose rare à tout âge, son intérêt pour les autres et une bonne humeur réjouissante. Nos rencontres chaleureuses, ouvertes à l’imprévu et à la confidence, l’étaient rarement au souvenir, encore moins au regret.

Son amitié me reste.