Dans les installations performées réalisées par Tomas depuis le début des années quatre-vingt qui relient aussi le dessin à la photographie et à divers systèmes d’imagerie, le corps dans sa totalité devient un espace de traduction.
Des transformations technologiques indissociables les unes des autres sont à l’origine d’une re-configuration radicale au XIXe siècle du rapport de l’être humain à l’univers ainsi que des conditions régissant la vision et le regard, tant la connaissance que la communication. Re-configuration qui se prolonge en ce début de millénaire dans les innovations liées à la réalité virtuelle et aux autres systèmes évolués d’imagerie. Dans les installations performées de Tomas, ces formations culturelles et historiques constituent un réseau de liens qui interagissent étroitement et le corps de l’artiste se retrouve au centre, agissant à la fois comme seuil et carrefour sensoriels de passages et de rencontres.
Qu’en est-il des images elles-mêmes dans les dessins-photographies ? Que sont-elles ? Comment les définir ? Elles sont le produit de dispositifs de perception qui créent des espaces de glissement et d’instabilité.
L’image dans le dessin-photographie brise le continuum du familier et du reconnaissable : elle existe dans l’étrangeté. Le jeu de la représentation ici se positionne dans un ailleurshétérotopique et c’est à partir de là qu’est pensée l’épistémologie de l’image.
Tomas qualifie ces images de « curieuses intelligences, d’îlots et de navires » (« de morceaux flottants d’espace »), tous des termes qui jouent sur le détachement et l’isolement.
Cette mise en rapport constante non seulement de savoirs disparates et transformés mais du passé dans le futur et vice versa effectue une relocalisation par l’image de l’humain et de ses propres frontières. Une relocalisation cependant qui n’arrive jamais à terme. Cette approche hétérotopique à l’épistémologie de l’image dénote chez Tomas une tentative de tracer l’expérience de la rencontre du connu et de l’inconnu ou d’en constituer son parcours. Voilà ce que signifie une image aux « confins de l’imaginaire occidental ».
(Extraits de DUCTION de Michèle Thériault et David Tomas, design d’Emmelyne Pornillons, Éditions Carapace, 120 p. + 57 ill. coul.)