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Une laïcité sans parti pris ? Au Québec, être laïciste, c’est renouer avec les traditions révolutionnaires pour revigorer une culture en déliquescence. Et c’est affirmer la totale responsabilité des citoyens qui doivent acquérir le contrôle de la société. Et c’est affirmer la préséance de la société civile, du monde humain, sur toute autre communauté, chapelle ou Église.
— Pierre Maheu, « au mouvement laïque : virage à gauche », Parti pris.
… personne n’ignore que la majeure partie de la population du Québec est catholique. L’Église et les institutions religieuses auront donc jusqu’à nouvel ordre une influence prépondérante au Québec ; mais cette prépondérance dans les faits devient une injustice si elle entraîne une prépondérance de droit.
— Pierre Maheu, « notes pour une politisation », Parti pris.
Au moment de mettre « sous presse », le débat sur la bien mal nommée « Charte des valeurs québécoises » fait encore « rage » et il est rassurant, mais surtout très enrichissant, de voir plusieurs intervenants, dont nombre d’intellectuels, s’investir tout à la fois avec passion et mesure dans ce qui n’a rien d’un faux débat — quoi qu’en disent certains et quelles que soient les raisons (bonnes ou mauvaises) ou les motifs politiques (nobles ou condamnables) ayant conduit la société québécoise, comme d’autres avant elle, à devoir de nouveau faire face aux lourdes questions que soulèvent le « problème de la laïcité » (pour citer ici Pierre Maheu dans ses « notes pour une politisation » ; Parti pris, II : 1, septembre 1964). Si le débat donne lieu à des débordements et des dérapages hélas prévisibles , il est néanmoins permis d’espérer que le Québec saura, cette fois, non pas mettre le point final à un chapitre de son histoire (chapitre qui sera appelé à s’écrire encore et encore), mais du moins consolider, enfin, la trame d’un récit depuis longtemps entrepris.
Alors que nous célébrons le 50e anniversaire de la revue Parti pris (outre la réédition d’ouvrages consacrés à la revue et la parution de Parti pris : une anthologie, un colloque intitulé Avec ou sans Parti pris aura lieu les 3 et 4 octobre au Centre d’archives de Montréal de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au moment même où paraîtra le présent numéro), il n’est pas inutile de rappeler, après bien d’autres, combien la question de la laïcité a depuis longtemps « informé » l’histoire culturelle, sociale et politique du Québec, mais aussi, comme en témoigne en ces pages le dossier « Actualité de Parti pris », sous la direction de Gilles Dupuis et Frédéric Rondeau, combien cette question aura été déterminante pour cette revue quasi mythique. Peu de revues, au Québec, au cours des cinquante dernières années, ont eu autant d’importance que Parti pris (1963-1968), tant sur le plan littéraire que politique. Comme le rappellent les responsables du dossier, Parti pris a en effet joué un rôle crucial « dans le façonnement de l’identité québécoise (politique, économique, intellectuelle, littéraire, artistique et culturelle), qu’elle a d’ailleurs contribué à “nommer” sans complaisance ».« Laïcité, socialisme, indépendance » : ce sont là les idées maîtresses, les trois maîtres mots à l’enseigne desquels se sera toujours placée la revue Parti pris. Ces mots nous semblent toujours d’actualité.
LE PRIX SPIRALE EVA-LE-GRAND
Afin de maintenir la surprise — contrairement à ce que nous avions annoncé dans notre numéro d’été —, le nom du lauréat ou de la lauréate du Prix Spirale Eva-Le-Grand 2012-2013 ne sera dévoilé que lors de la soirée de remise du prix (dans l’espoir de vous y voir plus nombreux encore). L’événement aura lieu en octobre à la Librairie Olivieri ; la date reste toutefois à déterminer. L’annonce sera faite prochainement dans les pages du Devoir, sur notre site [www.spiralemagazine.com] et sur notre page Facebook [Spirale — Magazine culturel]. Rappelons, pour l’heure, que les finalistes du Prix Spirale Eva-Le-Grand pour 2012-2013 sont : Marie-Claire Blais, pour Passages américains (Boréal, 2012) ; Érik Bordeleau, pour Foucault anonymat (Le Quartanier, 2012) ; et Yvon Rivard, pour Aimer, enseigner (Boréal, 2012)
DEUXIÈME ÉDITION DU PRIX
DE LA CRITIQUE ÉMERGENTE
Comme nous l’annoncions au moment de révéler le nom du lauréat de la première édition du Prix de la critique émergente, l’équipe de Spirale espérait toujours vivement pouvoir donner suite, dès cet automne, à son concours de critique destiné aux étudiant(e) s inscrit(e)s dans un programme universitaire de premier ou de deuxième cycle. Or, grâce à l’appui renouvelé de la Librairie Olivieri, principal commanditaire de l’événement, il nous fait plaisir de confirmer que le magazine sera bel et bien en mesure de lancer la deuxième édition du Prix de la critique émergente. L’ouverture du concours, la liste de nos partenaires, ainsi que les détails relatifs aux modalités de participation seront annoncés prochainement.
COLLECTION
« NOUVEAUX ESSAIS SPIRALE »
Deux nouveaux titres paraîtront cet automne dans la collection « Nouveaux Essais Spirale » aux Éditions Nota bene : Éblouissement. Essai sur l’œuvre de Gilles Tremblay, de Robert Richard, ainsi que Matière noire. Les constellations de la bibliothèque, de notre collègue Guylaine Massoutre. Ne manquez pas l’annonce des lancements !
UNE NOUVELLE CORRECTRICE
C’est avec grand plaisir que nous accueillons Marie-Joëlle St-Louis Savoie au sein de l'équipe de Spirale. Titulaire d'un doctorat en Littératures de langue française de l’Université de Montréal (« Survivances de Sarah Kofman ») et chargée de cours au département de Modern Languages and Classics (University of Maine), elle occupera en effet les fonctions de correctrice pour le magazine suite au départ, cet été, de notre collègue Louise Nepveu (à qui nous renouvelons nos meilleurs vœux).
DANS NOTRE PROCHAIN NUMÉRO
Le débat actuel sur la laïcité, en plus de nous confronter à d’autres enjeux fondamentaux (hiérarchisation des libertés civiles et religieuses, droits de la personne, constructions identitaires collectives et individuelles, etc.), aura bien entendu soulevé, en tout premier lieu sans doute, d’importantes questions relatives au principe de l’égalité homme/femme. Or il est particulièrement intéressant de constater que ce débat — et cet impératif renouvelé — s’inscrit à un moment de l’histoire où, tant au Québec que sur la scène internationale (dans la foulée, notamment, du Printemps arabe), nous sommes de plus en plus interpellés par ce que d’aucuns ont diagnostiqué comme une résurgence des mouvements féministes. C’est à la lumière de cette résurgence, « qui se double d’une violence importante contre les femmes », comme le précise Martine Delvaux, que le magazine proposera à ses lecteurs et lectrices un dossier qui, dans notre numéro d’hiver 2014, cherchera à faire le portrait du féminisme aujourd’hui ou, plus précisément, « du féminisme en tant que façon de lire et regard posé sur les objets, comme la forme que peut prendre le discours intellectuel ». Sous la direction de Martine Delvaux, le dossier « Féministes ? Féministes ! » veut investir une prise de parole engagée et « figurer le passage de l’interrogation : “Peut-on encore être féministe aujourd’hui ? à l’affirmation d’une posture (et d’un point de vue) féministe ».Outre cet important dossier, Spirale aura également la chance d’accueillir en ses pages un portfolio de l’artiste Rose-Marie Goulet, dont la présentation sera signée par Sylvie Lacerte. Si ce portfolio n’a pas été « pensé » de manière à s’inscrire dans la foulée de notre dossier sur le féminisme, rappelons néanmoins, pour mémoire, que Rose-Marie Goulet, avec l’assistance technique de Marie-Claude Robert, est l’artiste qui, en 1999, a conçu la Nef pour quatorze reines, monument à la mémoire des victimes de la tragédie de l’École Polytechnique de Montréal.À quand les premiers vents d’hiver ?
1. Outre les inquiétantes manifestations racistes et xénophobes dont le débat sur la « charte » semble avoir été le catalyseur (et dont les quotidiens et réseaux sociaux nous ont abreuvés à satiété, c’est-à-dire au point où il faut se demander quel triste amalgame était par là recherché…), il faudra un jour se pencher sur les formes agonistiques qu’auront empruntées les divers discours et interventions sur la question. Malgré les appels répétés à la pondération et à une « discussion respectueuse des divergences », il est étonnant de voir combien les motifs du « combat » et de la « lutte » auront été présents dans ce débat. Il n’est pas jusqu’au présent chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard, qui a cru bon de s’exclamer qu’il faudrait « lui passer sur le corps » pour faire approuver la charte proposée par le Parti Québécois… Si plusieurs d’entre nous jugeons maladroit, problématique, voire inacceptable l’avant-projet de loi proposé à ce jour, il est quand même stupéfiant, dans le contexte extrêmement sensible et tendu qui préside au débat actuel, d’entendre un politicien utiliser une expression aussi chargée de sens (la traduction anglaise, « over my dead body », étant encore plus éloquente), en rien susceptible d’encourager la discussion mais bien plutôt prompte à alimenter, de tous côtés, l’idée qu’une « limite », une « borne » ne saurait être dépassée sans fâcheuses conséquences…