Le fil du rasoir

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Dans un monde gouverné par des impératifs économiques, 

où trop souvent on semble croire que la culture doit
simplement être synonyme de divertissement, je veux
continuer à croire à l’importance de la lecture dans la vie
quotidienne de chaque citoyen, garante d’une société plus
démocratique et d’une ouverture sur le monde. S’il est vrai
que pour nombre d’entre vous le FIL est devenu une
institution, au sens le plus noble de ce terme, en jouant un
rôle important dans notre vie littéraire et culturelle et dont
l’excellence est reconnue ici même et à l’étranger, vous
devez savoir que notre survie ne tient qu’à un fil… 
Sans le soutien de nos gouvernements, l’appui 
de nos partenaires et la vente de billets, nous ne 
pourrions, nous ne pouvons pas exister.

Michelle Corbeil, « Mot de la directrice »,
17e Festival international de la littérature,
du 16 au 25 septembre 2011.

Depuis que Michelle Corbeil a révélé aux médias que le ministère du Patrimoine canadien n'avait pas renouvelé la subvention qu'il versait depuis plusieurs années au Festival international de la littérature (par l'intermédiaire du Fonds du Canada pour la présentation des arts), je me plais chaque jour à imaginer la tête qu'aurait faite Gilbert Rozon à la suite d'une telle annonce, eût-il été encore président du Festival Juste pour Rire/Just For Laughs. Aurait-il alerté les médias avec la même inquiétude mesurée que Michelle Corbeil s'il avait appris que le ministère de l'ineffable James Moore privait son festival de la subvention de 1 000 000 $ qu'on lui verse encore annuellement ? Il est à parier que le Tout-Montréal eût été mobilisé par l'ex-président afin de sauver un événement qui assure de si grandiose façon le rayonnement international de Montréal à titre de « grande métropole culturelle ». Monsieur le Maire lui-même ne la trouverait sans doute pas drôle : on ne rit pas avec la culture. 

Pourtant, au moment où l'on invite le bon public à célébrer la Saison de la lecture de Montréal (du 22 septembre au 21 novembre), la survie même de l'un de ses événements phares est menacée sans que nous nous en formalisions outre mesure. Les 65 000 $ que versait sans doute trop généreusement Patrimoine canadien au FIL par l'entremise du FCPA représentaient en effet 13 % du budget de cet événement unique à Montréal. Pareille coupure ne sera pas sans laisser de traces, cela bien sûr si survit le festival : les dépouilles cicatrisent mal en général. « [L]'avenir de ce festival est en jeu », affirmait d'ailleurs Michelle Corbeil, une semaine avant le début de la 17e édition du FIL. « Il faudra attendre l’heure des bilans pour savoir si nous serons toujours là` l’an prochain », confiait-elle au Devoir(7 septembre 2011).« Malveillant et brutal », s'est exclamé avec raison Paul Chamberland dans les pages du Devoir(8 septembre 2011), sans pourtant que ce cri là nous émeuve davantage. On plaindra bien plutôt l'honorable James Moore qui, comme le soulignait avec une assommante probité Sébastien Gariépy, son attaché de presse, est à la tête d'un ministère qui « reçoit plus de 10 000 demandes de financement pour des événements locaux et des festivals partout au Canada. Le nombre de demandes dépasse largement les fonds disponibles et le ministère doit faire des choix » Dilemme plus mathématique que cornélien, on l'aura compris, et qui contraint le ministre à « trancher » : manœuvre « délicate » mais que facilite par chance la position précaire de plusieurs organismes culturels qui ont toujours déjà l'heureuse obligeance de se tenir commodément sur le fil du rasoir. Il semble en effet beaucoup plus simple et efficace de retirer la totalité du financement à un événement littéraire dont la qualité, l'excellence et le succès sont reconnus année après année, que de réduire de 6,5 % — mais ce n'est là qu'un chiffre lancé à tout hasard —, le budget de l'un des mégafestivals qui assurent à leur région d'importantes retombées économiques. Les bienfaits des événements culturels s'expliquent plus aisément et de manière plus convaincante lorsqu'ils sont mesurables et quantifiables en espèces sonnantes : on prêtera sans doute toujours bien davantage attention aux appels du pied des restaurateurs et des hôteliers qu'aux mises en garde des poètes qui s'inquiètent, comme Paul Chamberland, de la disparition des « espaces de libre création » grâce auxquels il est encore possible de stimuler notre « appétit de liberté et de lucidité ».

* * *

J'aimerais croire, avec Michelle Corbeil, qu'il est encore possible de « prouver à tous ceux et celles qui en doutent encore que la littérature peut aussi accroître la notoriété de Montréal, tout autant que le rire, le jazz, la chanson ou le cirque », mais cela relève aujourd'hui, et de plus en plus, d'un impossible acte de foi.

Pour l'heure, je garde espoir que le FIL aura davantage à offrir qu'une notice nécrologique à la Saison de la lecture de Montréal, en 2012.

Longue vie au FIL !

Catherine Mavrikakis : 
écrivaine en résidence

C'est justement à une habituée du festival, où elle a été invitée ces dernières années, mais surtout à une collaboratrice et à une collègue qui aura longtemps fait partie du comité de rédaction de Spirale que le magazine a souhaité offrir, après Hélène Dorion, les pages de sa chronique « À propos » pour la prochaine année. Il va sans dire que c'est avec un immense bonheur que nous accueillons de nouveau en nos pages Catherine Mavrikakis, trop heureux de confier à l'une des plus brillantes romancières et essayistes contemporaines un petit « espace de libre création » où elle aura carte blanche l'année durant. Professeure au Département des littératures de langue française de l'Université de Montréal, l'auteure célébrée du Ciel de Bay City (Héliotrope, 2008 ; lauréat du Grand prix du livre de Montréal, du prix des libraires et du prix littéraire des collégiens), entre autres romans, ainsi, notamment, que de l'essai Condamner à mort. Les meurtres et la loi à l'écran(PUM, 2005 ; lauréat du prix Victor-Barbeau et du prix SpiraleEva-Le-Grand), a aussi récemment publié un nouveau roman intitulé Les derniers jours de Smokey Nelson (Héliotrope, 2011), œuvre qui, si besoin était, confirme une fois de plus l'immense talent de son auteure et la singularité d'une troublante voix d'écriture.

Le prix Spirale Eva-Le-Grand 2010 :
du nouveau !

Comme Hélène Dorion avant elle, Catherine Mavrikakis se voit donc non seulement confier la destinée d'une chronique à laquelle nous accordons beaucoup importance, puisqu'il s'agit par là de réitérer notre engagement à faire de Spirale un lieu et un espace où artistes et écrivains puissent se faire l’écho — quand bien même inquiet et critique — de la richesse du monde, mais elle est également l'une des trois finalistes du prix Spirale Eva-Le-Grand 2010 pour son e-carnet L'éternité en accéléré (Héliotrope, 2010). Les deux autres finalistes que nous avons grand plaisir à dévoiler sont Madeleine Ouellette-Michalska, pour son ouvrage intitulé Imaginaires sans frontières ; les lieux de l'écriture, l'écriture des lieux(Éditions XYZ, 2010), ainsi que Pierre Ouellet, pour son essai Où suis-je ? Paroles des Égarés (VLB éditeur, 2010). Toutes nos félicitations aux finalistes !

Rappelons cette année encore que le prix Spirale Eva-Le-Grand est décerné depuis seize ans pour un essai ou un recueil d’essais portant sur les arts, les lettres ou les sciences humaines, ou toute question touchant la culture. Par ce prix, Spirale souhaite reconnaître la contribution d’un ouvrage de réflexion sur des enjeux qui concernent aussi bien la culture actuelle que sa mémoire, et qui s’inscrit dans le travail de recension et de critique accompli par le magazine lui-même.

Contrairement aux années passées, où les essais en nomination devaient être parus entre le 1er juillet et le 30 juin de l'année suivante, le comité de rédaction du magazine, qui fait office de jury, a décidé de modifier la période d'éligibilité afin de la faire correspondre à l'année civile. S'agissant d'une année de transition, nous annonçons les finalistes pour 2010 dans notre numéro d'automne, mais à partir de 2012, ceux-ci seront connus dès notre numéro d'été afin de nous permettre de remettre le prix lors de la rentrée culturelle. Le nom du lauréat ou de la lauréate de cette année sera dévoilé au cours du mois de novembre. Nous en ferons comme toujours l'annonce dans Le Devoir et par nos pages Facebook et Twitter. La date et le lieu de la remise du prix seront alors précisés.

Radio Spirale

Nous tenons à remercier tous ceux et celles qui ont assisté et participé au lancement du nouveau site du Collectif Radio Spirale [www.radiospirale.org], le 29 septembre dernier, à la Galerie de l'UQAM. Nous encourageons évidemment tous nos lecteurs et nos lectrices à s'abonner au bulletin du site pour être tenus informés des ajouts et des nouveautés. Radio Spirale, comme le magazine, dispose également désormais d'une page Facebook et d'un compte Twitter. On peut aussi contacter l'équipe de Radio Spirale à l'adresse suivante : radiospirale@ymail.com

ÉRUDIT

Depuis plus d'un an maintenant, le magazine a publié plusieurs « Avis publics » de la Société de développement des périodiques culturels québécois (SODEP) annonçant un vaste projet de valorisation des revues et magazines membres par la numérisation rétrospective de leur collection sur le site du consortium ÉRUDIT. Nous invitons de nouveau tous nos collaborateurs, présents et passés, à prendre connaissance de cet avis disponible en tout temps sur le site de la SODEP [http://www.sodep.qc.ca/], puisqu’une partie de la collection de Spirale a été numérisée dans le cadre de ce projet et que nos numéros parus de 2002 à 2009 sont désormais accessibles, librement et gratuitement, sur la plateforme ÉRUDIT [www.erudit.org]. De plus, nous sommes heureux d'annoncer qu'il est désormais possible de s'abonner aux versions numérisées des numéros courants de Spirale sur le site d'ÉRUDIT.

Des nouvelles en bref

Le dossier du numéro d’hiver de Spirale (no 239, hiver 2012), sous la responsabilité de Ginette Michaud, sera consacré au philosophe Jean-Luc Nancy et à ses travaux récents sur le politique et l'art. Nos lecteurs auront également la chance de découvrir le travail singulier du sculpteur Gilles Mihalcean à travers un portfolio présenté par Laurier Lacroix.

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Tel que nous l’avons annoncé dans notre numéro d'été, nos lecteurs seront conviés, cet automne, au lancement de trois nouveaux titres dans la collection « Nouveaux Essais Spirale » chez Nota bene : La crise du discours économique. Travail immatériel et émancipation, d’Éric Méchoulan ; Chantiers de l’image, de Sylvain Campeau ; et Les rêveries de la Plaza Saint-Hubert, de Nicolas Lévesque. Nous profiterons également de l'occasion pour souligner la parution du présent numéro. La date et le lieu seront annoncés dans Le Devoir et sur nos pages Facebook et Twitter.

Au plaisir de vous y rencontrer !