Paroles contemporaines : le renouveau du conte

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Depuis quelques années, la scène culturelle québécoise doit compter sur ce que d’aucuns ont qualifié de « renouveau du conte et de la tradition orale ». Certains en parlent comme d’un phénomène, d’autres comme d’un effet de mode appelé à disparaître : l’engouement, loin d’être éphémère, est pourtant bien réel et s’étend sur l’ensemble du Québec. Après les Michel Faubert et Jocelyn Bérubé, ils sont en effet de plus en plus nombreux à faire mentir Jacques Ferron qui, à une autre époque il est vrai, affirmait être « le dernier d’une tradition orale et le premier de la transposition écrite ».

C’est pour interroger ce phénomène culturel que nous avons décidé de consacrer un dossier au renouvellement de la tradition orale. Quelle est la place du conte, aujourd’hui, dans l’espace culturel québécois, voire mondial? Parole de métissage, quels rapports le conte oral entretient-il avec la question identitaire? Cherchant à se maintenir au carrefour de la modernité et de la tradition, quel traitement le conte réserve-t-il au folklore, dont il ne semble parfois émerger que pour mieux s’en distancer? L’industrie culturelle elle-même ne semble pas savoir à quelle enseigne loger ces conteuses et conteurs qui résistent à tout effort de catégorisation. Art de la scène, le conte oral se démarque pourtant clairement du théâtre, tout comme il échappe, d’une certaine façon, à la « littérature ». Ces résistances semblent d’ailleurs participer de cette parole contemporaine, souvent critique, parfois engagée.

Le renouvellement du conte oral ne va donc pas sans soulever plusieurs questions, à commencer par le statut même du conte. Que faut-il entendre, aujourd’hui, par conte contemporain? Quel écart oppose ou rapproche les contes urbains ou « mutagènes » aux contes dits tradi tionnels? On remarquera également que ce retour de la tradition orale semble du même coup renouveler l’antique débat entre parole et écriture, dit et écrit, oralité et littérature, nous invitant peut-être à repenser encore une fois ces rapports, ou du moins à revisiter un autre « conte », très ancien celui-là, et qui met en scène un certain dieu du nom de Thot...