Dans l'oeil de l'histoire avec Georges Didi-Huberman

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Homme de fables, Georges Didi-Huberman relie,raconte, des objets d’art et des images disparates, ordonnés à partir d’une figure tutélaire, celle d’Aby Warburg, qui se confiait aux papillons la nuit. De ces ailes du désir, l’essayiste et historien d’art a fait l’emblème de sa lecture des images d’art et il a longuement réfléchi sur leur visibilité, sur leur lisibilité.

 

Chaque image, chaque œuvre, il la traite comme matière, depuis le lieu même de la pensée (Être crâne), le souffle de la parole (Gestes d’air et de pierre), jusqu’à l’évanescente lumière (L’homme qui marchait dans la couleur). L’image, l’œuvre, la parole se donnent donc à lire comme un corps symptomal, hystérisé, sur lequel se heurtent des temporalités hétérogènes – un lieu de montage où s’exhibent des impuretés, des anachronismes.

 

Pour Didi-Huberman, le «gai savoir» d’un Georges Bataille (celui de la revue Documents), par exemple, construit des savoirs dont les principes ne sont pas standards. À partir des destructions innombrables du XXe siècle et de la formule de Walter Benjamin, «organiser les décombres», l’historien d’art propose une reconstruction dont le modèle est le ou la phalène, les traces, les ruines, les pertes jamais intégrales. Même les génocides du XXe siècle ne sont pas des absolus de l’effacement. De ce constat, Didi-Huberman impose un autre regard, comme en a témoigné sa polémique avec Claude Lanzmann autour de l’indicible de la Shoah.

 

Qu’est-ce qui apparaît ? Qu’est-ce qui disparaît ? Quels papillons ? Quelle enfance ? Quels fantômes ? Qu’est-ce qui ainsi survit et survient ? Quel rôle donner à l’écriture dans ce travail sur la lisibilité ? Telles seront les questions dirigeant ce dossier, occasion de présenter le tir groupé de publications et d’expositions de Didi-Huberman ces toutes dernières années.

 

«Essayer voir», l’expression de Beckett magistralement reprise dans le titre d’un essai de Didi-Huberman paru en 2014, était une invitation, un défi. Il s’est prolongé dans ce dossier, selon l’esprit de liberté qui fait consensus à propos de Didi-Huberman. Rien de plus souple que l’autorité de Warburg, qui l’inspire par son atlas Mnémosyne aux soixante-trois grands panneaux sur lesquels il a agencé des photographies d’œuvres d’art et des documents divers, ou sa fameuse bibliothèque à Londres, et sa trentaine de conférences, très peu de pages en somme, et pas toutes accessibles en français. Didi-Huberman a ressaisi le désordre apparent des motifs de Warburg, pour qu’à partir des images, comme il l’explique dans l’entretien qu’il nous a accordé, le passage réversible du savoir à l’image, ce risque, cette tension, cette in-tension, ce «funambulisme» dramatise la vie dans l’art, afin que nos émotions, qui sont «motions», «mouvements», puissent éventuellement laisser croître le désir de transformer notre monde d’inquiétude et faire de notre «mémoire endeuillée» une «possibilité de joie» adressée à l’avenir.

 
Entretien avec Georges Didi-Huberman
Par Alexis Lussier, Guylaine Massoutre et Manon Plante
 
Penser par les images
sous la direction de
Laurent Zimmermann
Devant les images
sous la direction de Thierry Davila et Pierre Sauvanet
Par Georges leroux
 
Sentir le grisou
de Georges Didi-Huberman
Par Sylvano Santini
 
Peuples exposés, peuples figurants
de Georges Didi-Huberman
Qu’est-ce qu’un peuple ?
Alain Badiou et al.
Par Julien lefort-Favreau
 
Invention de l’hystérie
de Georges Didi-Huberman
Par Pierre Lavaud
 
Sur le fil
de Georges Didi-Huberman
Par Alexis Lussier
 
Blancs soucis
de Georges Didi-Huberman
Par Manon Plante
 
Écorces
de Georges Didi-Huberman
Par Vincent Lavoie
 
Nouvelles histoires de fantômes
de Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger
Par Guylaine Massoutre
 
L’album de l’art à l’époque du «Musée imaginaire»
de Georges Didi-Huberman
Par Katrie Gagnon
 
Phalènes
de Georges Didi-Huberman
Par Isabelle Décarie
 
Essayer voir
de Georges Didi-Huberman
Par Ginette Michaud